Taiwan – Koxinga, héros national à Taiwan
Tainan était pendant des siècles la capitale de Taiwan. Il y a 400 ans est survenu un changement de dynastie en Chine. Koxinga, affilié aux Mings, est venu s’y réfugier dans l’idée de reconquérir la Chine. Ironie de l’histoire, la même situation aura lieu après la Seconde Guerre mondiale.
Il trône sagement au milieu de la pièce, avec à ses côtés deux de ses gardiens. Tout autour de lui n’est que calme et silence. Il règne ici presque une atmosphère lourde, presque pesante. Et pour cause, il n’y a personnes dans le temple, en ce mois d’Août et en plein milieu de la journée.
“L’ironie de l’histoire de Taiwan veut que la situation que connaît l’île actuellement ne soit pas une première.”. Tanguy Le Pesant, enseignant de français et maitre de conférence à la National Central University à Jhongli, explique comment Koxinga est devenu pour Taiwan un élément important de son histoire. “Dernier des généraux ayant fait allégeance à la dynastie Ming, Koxinga sait qu’il est sur le point de perdre face aux Qing, qui sont aux pouvoirs de la Chine depuis 1644″. Tout se passe donc entre 1644 et 1662, après la perte de pouvoir des Ming aux profit de la nouvelle dynastie Mandchoue des Qing, ceux-ci s’étant emparés de la quasi totalité de l’empire du milieu de l’époque. “N’ayant pas le choix, Koxinga doit se replier sur Taiwan, alors connue sous le nom de Formose” continu-t-il à raconter. Seulement Taiwan n’est pas une île vierge: les Hollandais et sa Compagnies des Indes Néerlandaises occupent Formose – seulement une petite partie – depuis plus de 38 ans pour y faire du commerce, la majorité de l’île étant aux mains des tribus locales, souvent dangereuses et cannibales.
“Il arrive à défaire les hollandais à Tainan, après presque un an de siège du fort Zelanda et avec l’aide de 25000 hommes. Il abandonne les dernières villes de la province du Fujian et vient définitivement s’installer à Taiwan, dans l’idée de reconquérir la Chine“, dit-il avec un légère touche d’ironie. Près de 300 ans plus tard, la même histoire se répète entre Nationaliste et Communiste, avec toutes les répercutions que l’on connait pour Taiwan jusqu’à aujourd’hui.
Koxinga, de simple marchant …
Koxinga, de son vrai nom Zheng Chenggong (鄭成功), est né en 1624 à Hirado au Japon d’un père chinois, pirate et marchand et d’une mère japonaise. A sept ans, celui-ci est envoyé en Chine, dans l’université Impériale de Nanking pour recevoir l’enseignement confucéen en vue de passer l’examen impérial. Comme son père, Koxinga devient lui aussi commerçant. A l’époque de la dynastie Ming, les pirates et les commerçants privés ont la main mise sur les eaux et le commerce extérieur en Chine. En effet, l’empire Ming se repli sur lui même, dû notamment à une bureaucratie néo-confucéenne qui ne voit pas d’un bon œil le commerce, d’une politique de tribut et du développement soit disant de l'”auto-suffisance” des paysans et des soldats. Ce sont donc les pirates qui profitent de l’inefficacité de l’Etat. Avec l’arrivé de la nouvelle dynastie des Qing en 1644 au pouvoir, les pirates et les commerçants craignent pour leur monopole, d’autant plus que les Mandchous ne sont pas considérés comme “Han”, c’est à dire “Chinois”. Ce sont principalement les princes du sud de la Chine qui vont s’opposer à cette nouvelle dynastie, mais au cours des dix premières années de lutte, ceux-ci perdent du terrain. Au fur et à mesure, la nouvelle dynastie avance vers le sud. Même le père de Koxinga se résigna et accepta le règne de l’empereur Qing.
Koxinga reste donc l’un des derniers défenseur des Ming et n’a d’autre choix que de se replier sur Formose, même si pendant un temps il réussi à aller jusqu’à Nanjing en contre-attaquant. La bataille à Tainan contre les hollandais fut rude pour reconquérir Taiwan. Après leur reddition, Koxinga fonde le Royaume de Tungning (東寧王國). Il veut profiter de l’accalmie pour renforcer son armée et combattre par la suite les Qing sur le continent et remettre la dynastie Ming au pouvoir. Mais Koxinga tombe malade et meurt quelques mois seulement après avoir conquis Taiwan.
… à héro national et divinité.
“Koxinga est depuis devenu au fur et à mesure un héros pour ses exploits militaires et de sa loyauté inébranlable envers les Ming, puis une divinité dans bon nombres de pays d’Asie, et plus spécialement pour Taiwan“, ajoute Tanguy. Bon nombres de rues à Taiwan portent son nom en chinois. Aussi, une des plus prestigieuse université de l’île s’appelle la National Cheng Kung (une variante au pinyin pour la romanisation du chinois). Koxinga à introduit à Taiwan une agriculture moderne et un système politique moderne, et surtout fait déguerpir les envahisseurs hollandais. “Il est souvent associé à Taiwan à l’idée d’indépendance de l’île, ce qui encore aujourd’hui joue un rôle important dans la politique extérieur de Taiwan“, finit-il par conclure.
Aujourd’hui, il n’y a personne dans le temple. Seul le gardien est là pour surveiller et nettoyer. Il fait chaud en ce mois d’Août à Tainan, mais la petite brise venant de la mer est une bénédiction. Le seul homme qui peut faire de l’ombre à Koxinga à Tainan est Tchang Kai Chek. En parcourant la ville, on se rend compte à quel point Koxinga est à l’honneur, et à quel point celui-ci a marqué l’histoire de la petite île qui se rêve (peut être) d’être un jour indépendante, avec un meilleur dénouement qu’à pu connaître le Royaume de Tungning..
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