Suisse – Au sommet de l’Europe sur la Jungfraujoch
Les sommets enneigés de la Jungfraujoch sont une des attractions favorites des touristes visitant la Suisse. Entre neige, vent, soleil et montage, tous les éléments sont réunis pour faire de cette visite une aventure et un moment inoubliable.
Il fait froid. À peine sorti à l’extérieur, l’air glacé commence à se faire ressentir. Le vent s’engouffre dans les vêtements par la moindre petite ouverture jusqu’à en glacer l’âme. Un T-shirt mal mis ne pardonne pas. Quelques minutes de plus suffisent à engourdir les doigts, qu’il faut constamment réchauffer en tapant frénétiquement des mains. Même le jeans commence à se raidir sous les rafales de vent et une fine pellicule blanche se forme sur l’ensemble des vêtements.
Il n’y a pas d’échappatoire tout là-haut. Les bourrasques de vent emportent la neige jusqu’à totalement couvrir les sommets alentour. Comme au beau milieu d’une tempête de neige. La visibilité est quasiment nulle. Un pas de plus et cela pourrait être le dernier. Puis le soleil réapparaît et vient réchauffer un peu les seuls êtres qui ont eu le courage si haut. Il fait moins dix-huit degrés au sommet de l’Europe.
Devant nous s’étend un océan d’une blancheur presque immaculée, ponctuée de reliefs bruns similaires aux récifs dans une mer agitée. Les bourrasques soulèvent des tornades de neige comme l’écume des vagues lors d’une tempête. Pourtant, tout semble calme et paisible après ces sauts d’humeur de la nature. Une irrésistible sensation de vouloir partir à la rencontre de cette immensité monochrome apparaît en nous, d’être le premier à fouler cet endroit qui semble si loin de toute présence humaine et que l’homme n’a pas encore réussi à dompter. Un endroit vierge que l’on aimerait découvrir. Par moment, le champ de vision est troublé par de petites boules noires flottant dans le ciel. Même à cette altitude de plus de trois mille sept cents mètres, la vie est présente. Plus les boules se rapprochent, plus nous comprenons qu’il s’agit d’oiseaux volant au gré des bourrasques.
Au sommet des Alpes
Retour à la réalité lorsqu’un groupe de touristes chinois se fait entendre sur la passerelle. La fin d’un petit moment de rêverie où tout semblait possible et où l’esprit naviguait parmi les songes et les histoires d’aventuriers. À l’extérieur, la passerelle de l’observatoire Sphinx qui s’agrippe au sommet du col permet aux visiteurs d’avoir une vue à presque 270 degrés sur toute la région de la Jungfraujoch.
D’un côté le célèbre glacier d’Aletsch, classé patrimoine mondial de l’humanité et qui était à l’origine d’une campagne du photographe américain Spencer Tunick et Greenpeace. Lors de cet évènement, plus de six cents personnes posèrent nues devant le glacier pour dénoncer le réchauffement climatique. Tout autour du glacier d’Aletsch se trouve des sommets culminants à plus de quatre mille mètres comme l’Eiger, la Jungfrau ou le Mönch, à la frontière du canton de Bern et du Valais. De l’autre, la vallée splendide où se situe Grindelwald et quelques petits villages. Malheureusement, les nuages remontant le long des montagnes obstruent souvent la vue.
Il aura fallu attendre 1862 pour que deux équipes d’alpinismes chevronnés partent de Grindelwald et parviennent aux sommets entourant le glacier d’Aletsch. Une trentaine d’années plus tard débutera la construction du train pour atteindre le col de la Jungfraujoch et sa gare, encore considérée aujourd’hui comme la plus haute d’Europe. Ce projet démentiel pour l’époque avait été imaginé par Adolf Guyer-Zeller, un industriel de la région de Zurich. Malgré plusieurs années de retard à cause de nombreux accidents et des problèmes financiers, il réussit son pari et finit le tunnel passant sous l’Eiger et le Mönch en 1912.
Depuis lors, la gare de la Jungfraujoch est devenue un endroit incontournable de la région et sa renommée n’est plus à faire. Elle est connectée à plusieurs bâtiments et plateformes que les touristes peuvent visiter. L’endroit le plus impressionnant est sans aucun doute au sommet de l’observatoire Sphinx. C’est un des observatoires astronomiques les plus hauts du monde et il est directement accessible de la gare par un ascenseur. Les plus courageux peuvent aussi explorer les alentours par l’une des sorties de la gare, dont la plateforme rocheuse sur laquelle sont installés plusieurs piliers où flottent fièrement le drapeau suisse et tous les instruments de mesures nécessaires pour la météorologie.
Être au milieu de la neige, entouré par d’immenses sommets est impressionnant et donne cette sensation de n’être qu’une poussière face à cette nature spectaculaire et terrifiante à la fois. En été, lorsque les températures sont nettement plus clémentes, il est possible de partir de la Jungfraujoch faire un trek pour atteindre certains refuges situés plus loin, le long du glacier d’Aletsch.
Le train, porte d’accès à la Jungfraujoch
Après plus d’une heure à côtoyer les montages au plus près, il est temps de redescendre vers Interlaken. Disposant d’un réseau ferroviaire exceptionnel, il est très facile de se rendre d’une destination à une autre en train et en bus, à condition de pouvoir payer une certaine somme. La Suisse est l’un des pays les plus sûrs, même si pour de nombreux Suisses cette situation se dégrade petit à petit. Surtout, la Suisse peut se targuer de ne pas avoir été en guerre depuis plus de 10 ans (tout comme le Japon, le Qatar, le Panama, etc.).
Mais c’est surtout un pays où le niveau de vie est l’un des plus élevés au monde. Les deux principales villes de la Suisse, à savoir Zurich et Genève,, reviennent souvent dans le classement des villes les plus chères au monde. Rien d’étonnant à ce qu’il faille débourser plus de deux cents francs suisses pour voyager jusqu’au sommet de l’Europe. Rien d’étonnant non plus si la grande majorité des touristes visitant le Jungfraujoch sont des touristes locaux suisses ou asiatiques, dont la majorité est chinoise. Les touristes chinois ne passent que quelques jours en Suisse et la Jungfraujoch reste pour ces voyages organisés une destination incontournable.
Un changement de train à la station Kleine Scheidegg et nous voilà partis en direction de Grindelwald. Le train descend doucement la colline, faisant défiler devant les grandes baies vitrées du train son paysage de rêve tel un film. Sur les montagnes aux alentours, le soleil se couche lui aussi, projetant les derniers rayons de soleil de la journée. Mais une partie de nous semble être restée là-haut, dans les montagnes et les pics enneigés, en compagnie des oiseaux qui voltigent au gré des bourrasques. Sans doute sont-ils les seuls qui puissent supplanter la puissance de la montagne.
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